La Passion, une école d’Incarnation

« Tout est accompli.»

Frères et sœurs,

Nous voici aux pieds du Crucifié. Dans son amour jusqu’à l’extrême, aucune facette de notre humanité n’a été délaissée, tout fut assumé jusqu’à la mort pour que tout soit sauvé dans les moindres fibres de notre être.

Au pied de la Croix, nous voici immergés dans un mystère ; mystère enveloppé de silence et d’impuissance. Mystère de la Passion qui nous aide à assumer notre propre incarnation.

Avec le disciple bien-aimé et la Mère de Jésus, entrons dans ce mystère du Christ crucifié avec crainte et grand respect.

Avec Marie, la Vierge Mère, tout d’abord apprenons à entrer dans le mystère du silence

« Près de la Croix de Jésus, se tenait sa mère. »

De Cana au Golgotha, cette Mère nous apprend le silence.

Non pas un silence résigné plein d’amertume et de désir de vengeance.

Mais un silence d’obéissance, d’écoute, de patience et d’espérance.

Tout ce qu’elle pouvait nous dire au Golgotha, elle l’avait déjà révélé à Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ».

Aujourd’hui Marie ne parle plus, mais elle incarne cette parole.

Aujourd’hui encore, ce que le Fils nous fait dire par sa Mère, c’est de faire silence. Lorsque le souffle du Fils s’éteint et que sa voix disparaît, le Verbe n’est que silence et il veut nous immerger en lui.

Faire silence : c’est bien l’œuvre que Marie nous enseigne au pied de la Croix. Dans nos troubles et nos souffrances, il nous faut contempler ce silence de Marie, il nous faut le recevoir pour qu’il vienne nous habiter et nous transformer.

Faire silence est une grâce de vérité et de liberté. Dans notre monde inquiet, saturé d’informations, rempli de bruits et de questions, il nous faut recevoir ce silence de Dieu par les mains de Marie. Silence d’écoute et d’obéissance, silence d’offrande et d’adoration.

Au fond des cœurs, le Seigneur aime la vérité et par son silence, il nous instruit des profondeurs de la Sagesse, il purifie nos âmes.

C’est le silence qui fait taire les accusations, les rumeurs, les racontars, les faux jugements. C’est le silence qui libère en nous l’Espérance, la parole de réconciliation et d’encouragement.

Le silence est une grâce de la Passion, c’est un gage pour vivre l’Incarnation.

Avec le disciple bien-aimé, nous pouvons choisir de nous arrêter pour consentir à nous laisser transformer.

« Celui qui a vu rend témoignage. »

Du Cénacle au Golgotha, le disciple bien-aimé nous apprend la contemplation. Il nous enseigne cette bonne passivité qui sait regarder la réalité, prendre le temps de discerner et simplement qui accepte de se laisser transformer en prenant du recul.

Dans notre monde troublé, débordé et bien souvent affairé, le Crucifié vient interroger le sens de nos activités.

Si nous savons nous arrêter, si nous choisissons de regarder le Crucifié, la Croix peut devenir pour nous le lieu d’une révolution. Ce pivot entre le Ciel et la Terre nous aide à considérer notre vie avec Jésus.

Ce qui prime dans nos impuissances, ce ne sont plus nos projets, nos rêves, nos idées. Non ; ce qui demeure à jamais et qui nous marque pour toujours, c’est le poids de l’amour, c’est cette victoire finale du Christ sur la mort et le péché.

Le disciple bien-aimé est donc cet homme qui se laisse saisir par le Crucifié. Au-delà du silence et de l’impuissance, il accueille l’eau et le sang, il reçoit le discernement de l’Esprit, il se laisse engendrer à la vraie vie au cœur de la réalité pleine de souffrance.

Le disciple bien-aimé n’est pas affairé, il laisse le Seigneur œuvrer, il sait s’arrêter pour contempler.

Au cœur des épreuves, celui qui contemple Jésus peut rendre témoignage. La Passion devient pour lui une école d’Incarnation, elle vient discerner ses actes, elle vient ordonner sa vie, elle le ramène à l’essentiel.

Seigneur Jésus-Christ, Toi le Crucifié

Que ton silence habite nos paroles

Que ton impuissance vienne nous pacifier

Que ton amour nous sanctifie.

Amen